De Rejeter le Français à Parler 4 Langues : Leçons pour Élever des Enfants Multilingues
Publié le 15 décembre 2024 par
Mon histoire
Permettez-moi de vous raconter une histoire : la mienne. Voici comment j’ai appris à parler 4 langues, même avec des pauses d’apprentissage de plus de 10 ans.
Je suis né et j’ai grandi en Espagne ; mes parents sont internationaux : ma mère est espagnole mais a grandi en France, et mon père est français. En théorie, cela aurait dû me donner un avantage pour maîtriser au moins deux langues dès mon plus jeune âge. Cependant, aucun des deux n’a adopté une stratégie constante pour m’aider à assimiler ces deux langues tôt dans la vie.
De plus, il existait un certain sentiment de « rejet » envers le français à la maison ; ce n’était pas une haine extrême, mais suffisamment fort pour influencer ma propre perspective. Encore aujourd’hui, je ressens certaines émotions négatives envers cette langue. Jusqu’à l’adolescence, je refusais d’apprendre, de parler ou de lire le français. Cela a changé grâce à des opportunités qui se sont présentées plus tard.
Cette histoire est importante pour deux raisons :
- La relation familiale avec la langue: La manière dont les adultes perçoivent ou expriment leurs sentiments envers une langue influence directement la perception des enfants pendant leur développement. Croyez-moi, les enfants perçoivent ces sentiments et, même s’ils ne les comprennent pas complètement, ils les reproduisent.
- L’importance de la métacognition: Tout au long de mon expérience dans l’apprentissage des langues, j’ai compris que réfléchir à la manière dont nous apprenons est tout aussi important que l’apprentissage lui-même. La métacognition nous permet d’identifier nos forces, nos faiblesses et les stratégies les plus efficaces pour progresser de manière autonome.
Le français, une montagne russe
Cette partie pourrait sembler curieuse. J’ai déjà mentionné que mes parents parlent français, mais en plus, j’ai étudié au Lycée Français d’Alicante. Alors, vous vous demandez peut-être : pourquoi n’ai-je appris à parler français qu’à l’adolescence ? Eh bien, je n’étais pas un élève modèle jusqu’au lycée. J’étais de ceux qui séchaient les cours et prêtaient peu d’attention. Malgré cela, il y a eu un aspect positif dans cette expérience : j’étais habitué à entendre une langue différente de l’espagnol.
Ce contact constant avec le français, même passivement, m’a permis de développer une base solide pour la prononciation. Lorsque j’ai enfin décidé de l’apprendre, j’ai acquis un accent assez natif en relativement peu de temps. Au fil des années, j’ai obtenu mon bac, ma licence et mon master en France.
Un point clé pour atteindre un niveau avancé a été ce que j’appelle le double A : Attitude et Aptitude. Dans mon cas, ce qui manquait, ce n’était pas l’aptitude (que j’avais grâce à mon exposition précoce), mais bien l’attitude.
Je me suis rendu compte que la seule chose qui m’empêchait d’apprendre cette langue était mon attitude. Tant que je n’ai pas changé cette perspective, je n’ai fait aucun progrès.
Que pouvons-nous tirer de cela ?
Que si dès leur jeune âge nous ne montrons pas une attitude positive envers les langues, il est peu probable que nos enfants fassent l’effort de les apprendre.
Alors, comment ai-je changé et décidé d’apprendre le français ? Pour commencer, je suis allé vivre avec ma famille en France pendant un an durant mon adolescence. De plus, ma petite sœur venait de naître, et nos parents ont commencé à lui parler en français.
Ce changement d’environnement, combiné à l’arrivée de ma sœur, a transformé ma façon de voir les choses et modifié mon attitude envers le français. C’est ainsi que j’ai fini par consacrer beaucoup de temps et d’énergie à l’apprentissage de la langue.
L’anglais : une personne a tout changé
Bien que j’aie amélioré mon attitude envers le français, l’anglais restait un sujet tabou pour moi. Tout a changé grâce à un professeur exceptionnel en première. Sans lui, je n’aurais jamais atteint le niveau d’anglais que j’ai aujourd’hui. Cet enseignant m’a aidé à corriger mon attitude et à poser les bases qui me manquaient : grammaire essentielle, vocabulaire de base et autres concepts clés que j’avais négligés pendant des années.
Cela met en lumière quelque chose d’important : en tant qu’adultes et parents, nous supposons parfois que les enfants et les jeunes acquièrent les bases de l’anglais (ou d’une autre langue) simplement en allant en cours. Mais il suffit d’avoir un mauvais professeur ou une année difficile pour accumuler des lacunes et des difficultés qui deviennent une véritable “boule de neige”.
Je ne suggère pas qu’il faille adapter toute la classe à un seul élève, mais c’est notre responsabilité de discuter avec l’étudiant, de comprendre ses difficultés et ses motivations. Si nous sommes parents, nous pouvons prendre l’initiative de chercher un soutien supplémentaire ou de revoir le matériel ensemble.
Dans mon cas, ce professeur d’anglais de première m’a donné les outils nécessaires pour être autonome dans mon apprentissage et mes progrès. En plus, il a éveillé ma curiosité : j’ai commencé à regarder des vidéos et à consommer du contenu en anglais, même en faisant des erreurs. Ce qui était génial, c’est qu’il ne m’accablait pas en corrigeant tous mes défauts d’un coup : à la fin de chaque exposé, il soulignait les erreurs les plus critiques pour que je puisse les assimiler progressivement.
Aujourd’hui, avec tant de technologies, il est difficile de trouver quelqu’un qui corrige seulement une ou deux erreurs de manière progressive. Souvent, une longue liste d’erreurs peut nous accabler et nous démotiver. Il est préférable de corriger petit à petit et de se concentrer sur l’essentiel. Même si on a l’impression de ne pas avancer, car il y aura toujours de nouvelles erreurs, cette stratégie permet d’éviter la surcharge mentale (la charge cognitive).
Souviens-toi de la règle de Miller (populaire dans le design d’expérience utilisateur) : quand nous avons trop d’options (ou d’erreurs), nous nous retrouvons bloqués et nous ne savons pas par où commencer.
En deux ans, je suis passé de ne pas pouvoir me présenter en anglais à tenir des conversations fluides en classe. Quand je suis arrivé à l’université, je savais déjà comment continuer à progresser. Cela m’a pris trois années de plus pour atteindre un niveau C2 en anglais, mais j’y suis parvenu.
L'exploration du japonais : de la curiosité à la métacognition
Je dois avouer que je n’avais aucun intérêt pour l’apprentissage du japonais—ni d’aucune autre langue—jusqu’à ma dernière année de lycée. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré un ami passionné par la culture japonaise, qui m’a fait découvrir le Japon et sa langue. En fait, nous avons terminé notre licence ensemble, et dans ce processus, ma curiosité pour le japonais a peu à peu grandi.
Au début, je me suis contenté de suivre le programme éducatif proposé par l’université dans les cours de japonais. Cependant, après avoir terminé la première année, j’ai réalisé que cette approche ne me permettrait pas d’atteindre le niveau que je souhaitais. Je voulais parler et comprendre le japonais avec fluidité, pas simplement réussir un examen. C’est alors que j’ai commencé à réfléchir à ma propre manière d’apprendre, en remettant en question les méthodologies d’enseignement traditionnelles et en approfondissant des concepts de cognition (apprendre) et de métacognition (apprendre à apprendre).
Ce point de bascule a été crucial : j’ai compris que l’université, en réalité, me donnait les bases. Elle ne cherchait pas à faire de moi un locuteur parfait du jour au lendemain, mais plutôt à me fournir les outils fondamentaux pour apprendre de manière autonome. Autrement dit, elle m’enseignait la grammaire et le vocabulaire essentiels, mais la pratique réelle, l’immersion et l’amélioration continue dépendaient de moi. C’était comme ouvrir les yeux sur un nouveau monde : comprendre que les professeurs te guident, mais que c’est toi qui décides de la direction finale.
Comment ai-je découvert ma méthode ?
Cette découverte de la métacognition m’a amené à analyser en détail ce qui fonctionnait dans mon processus d’apprentissage et ce qui ne fonctionnait pas. J’ai réalisé que j’apprenais mieux grâce à des stimuli visuels—textes, images, schémas—et à la répétition constante. Par exemple :
- Lectures graduées en japonais: Des histoires simples, adaptées à mon niveau, qui me permettaient d’assimiler le vocabulaire et la grammaire de manière naturelle.
- Applications et plateformes en ligne: Des outils interactifs avec des exercices et des cartes mémoire (flashcards).
- Livres de caractères et de vocabulaire illustrés: Parfaits pour ceux qui, comme moi, ont besoin de “voir” les mots pour mieux les mémoriser.
Prendre conscience de cela a complètement transformé ma relation avec l’apprentissage des langues. Je ne dépendais plus uniquement des cours formels ; je pouvais renforcer et compléter ma formation avec des méthodes mieux adaptées à mon style. J’ai commencé à voir des résultats bien plus rapides et satisfaisants, et surtout, j’ai conservé ma motivation sur le long terme.
Bien plus qu’une langue
Le plus curieux, c’est que cette expérience ne s’est pas limitée au japonais. Apprendre une langue de manière autonome m’a enseigné une leçon précieuse : chaque personne a son propre rythme et style d’apprentissage. Cette idée a véritablement transformé ma perspective générale sur l’éducation. Une fois que j’ai compris l’importance de la métacognition, je l’ai appliquée également au français, à l’anglais et, plus généralement, à toute autre compétence que je voulais développer. Ce tournant a marqué un avant et un après dans ma vie linguistique.
Appliquer cet apprentissage à la maison : avis des parents
Mon expérience avec le japonais peut sembler un exemple isolé ; pourtant, elle est très pertinente lorsqu’il s’agit d’élever des enfants dans un environnement multilingue. De la même manière que j’ai découvert l’importance de la métacognition pour mon propre apprentissage, les parents peuvent et doivent apprendre à reconnaître comment leurs enfants appréhendent le monde. Tous les enfants n’apprennent pas de la même façon, et c’est justement la clé pour encourager la curiosité, la motivation et l’amour des langues à la maison.
- Observer leurs styles d’apprentissage: Certaines personnes apprennent mieux visuellement (dessins, livres illustrés), d’autres ont besoin de davantage d’interaction auditive (chansons, histoires), tandis que certains bénéficient de pratiques kinesthésiques (jeux de rôle, bricolages avec du vocabulaire).
- Guider sans imposer: Tout comme l’université m’a donné des “bases” mais que j’ai dû faire le pas pour avancer, les parents peuvent proposer divers outils (livres, applications, musique) et observer ce qui éveille le plus la curiosité de l’enfant.
- Encourager l’autonomie: À long terme, un enfant curieux aura plus de chances de continuer à pratiquer ou à apprendre une langue. Bien sûr, lui offrir la possibilité de “choisir” (par exemple, quelle histoire lire, quelle chanson chanter ou quel jeu de vocabulaire utiliser) est une étape importante pour atteindre cette indépendance linguistique.
- Maintenir une attitude positive: Si nous montrons une vision optimiste et enthousiaste des langues, il est plus probable que nos enfants aient envie de nous imiter.
Conclusion : Attitude et métacognition
Mes expériences avec le français, l’anglais et le japonais montrent que l’attitude et la métacognition sont des outils fondamentaux pour apprendre n’importe quelle langue. Nous pouvons naître entourés de différentes langues et pourtant rejeter leur apprentissage si notre environnement ou notre perspective ne sont pas positifs. Nous pouvons également “détester” une langue, puis en faire un domaine de maîtrise, à condition d’avoir une attitude ouverte.
Pour élever des enfants bilingues ou multilingues, maintenez une atmosphère de confiance, observez le style d’apprentissage de vos enfants et, lorsque c’est possible, encouragez leur autonomie. Rappelez-vous : il n’est jamais trop tard pour commencer à apprendre une nouvelle langue ou pour changer la manière dont nous la percevons. Avec ces deux piliers (attitude et métacognition), n’importe quelle famille peut créer un environnement favorable et poser les bases d’un futur riche sur le plan linguistique.
Si vous souhaitez plus de conseils pour transformer votre foyer en un environnement multilingue ou si vous avez besoin d’un accompagnement spécifique pour votre famille, contactez-moi. Je serai ravi de vous aider à concevoir la stratégie la mieux adaptée à vos enfants et à leur manière unique d’apprendre. Ensemble, nous pouvons poser les bases d’un futur riche en opportunités linguistiques !